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Puisqu’ici-bas toute âmeduo, op 10, n°1 (1873)Musique de Gabriel Fauré (1845-1924)Poème de Victor Hugo (1802-1885)Puisqu'ici-bas toute âme Donne à quelqu'un Sa musique, sa flamme, Ou son parfum; Puisqu'ici toute chose Donne toujours Son épine ou sa rose A ses amours; Puisqu'avril donne aux chênes Un bruit charmant; Que la nuit donne aux peines L'oubli dormant. Puisque, lorsqu'elle arrive S'y reposer, L'onde amère à la rive Donne un baiser; Je te donne, à cette heure, Penché sur toi, La chose la meilleure Que j'ai en moi! Reçois donc ma pensée, Triste d'ailleurs, Qui, comme une rosée, T'arrive en pleurs! Reçois mes voeux sans nombre, O mes amours! Reçois la flamme ou l'ombre De tous mes jours! Mes transports pleins d'ivresses, Purs de soupçons, Et toutes les caresses De mes chansons! Mon esprit qui sans voile Vogue au hazard, Et qui n'a pour étoile Que ton regard! Reçois, mon bien céleste, O ma beauté, Mon coeur, dont rien ne reste, L'amour ôté!Le poème de Victor Hugo comporte douze strophes mais Fauré en a supprimé la quatrième strophe : Puisque l'air à la branche Donne l'oiseau; Que l'aube à la pervenche Donne un peu d'eau; ainsi que la onzième : Ma muse, que les heures Bercent rêvant; Qui, pleurant quand tu pleures, Pleure souvent! Ce poème écrit le 19 mai 1836 figure dans le recueil "Les voix intérieures" publié en 1837. Il a aussi inspiré plusieurs autres compositeurs : Hippolyte Monpou (1804-1841) : À genoux (1838) Louis Niedermeyer (1802-1861) : Puisqu'ici-bas toute âme Edouard Lalo (1823-1892) : Puisqu'ici-bas toute âme (1856) Camille Saint-Saëns (1835-1921) : Rêverie (1851) Reynaldo Hahn (1874-1947) : Rêverie (1889) Ecrite pendant la première période de Fauré, ce n'est pourtant pas une œuvre de jeunesse à part entière puisque Fauré ressort l’esquisse d’un mélodie solo composée dix ans plus tôt. Il y ajoute donc ses connaissances musicales d’un homme mûr, de 28 ans, pour en faire un duo qu’il offre aux filles de Pauline Viardot (compositrice, sœur de la Malibran) qui étaient elles-même cantatrices. Fauré était alors fiancé à une d’entre-elles, Marianne Viardot et cette musique est un véritable compliment galant adressé à Marianne. En cela, il ne faisait que suivre l'exemple de Victor Hugo lui-même qui en 1836 adressait ce poème à la femme qu'il aimait depuis trois ans et qui restera pendant cinquante ans sa maîtressse : Juliette Drouet. |